Bonjour Vierzon,
Mon post arrive un peu après la guerre.
J'ai été notamment étudiant de géographie et j'ai animé des classes de français intensif pour lycéens en 2010-2011 et je fais recommencer pour des stages de pré-rentrée. Cette année, j'ai dû accepter des cours particuliers en plus…
Concernant Acadomia et consorts, il ne faut pas s'inquiéter, ils demandent un BAC+3 officiellement. Mais ceux qui sont en licence 3 peuvent aussi postuler. Le taux de sélection n'est pas très élevé. Il faut bien présenter, et être sûr d'être sérieux. Donc savoir de quoi on parle. Je te conseille de postuler plusieurs officines.
Poser la question de l'enseignement du français au travers du rapport entre français et géographie n'est pas forcément le meilleur angle de compréhension… Pour ce que j'ai vu des étudiants en géographie et d'autres étudiants, il me semble bon de rappeler plusieurs constats :
- les profils sont très différents au sein d'une même filière,
- les filières universitaires sont assez proches en terme de niveau,
- en ce qui concerne les étudiants en géographie - en général, ils ne brillent pas forcément pour leur performance en français, mais c'est le cas de nombreux étudiants à l'université. Il n'y a pas selon moi un niveau meilleur ou plus faible en français en fonction de filières qui se ressemblerait. Après, si tu compares entre « univers académique », c’est autre chose mais bon, c'est une autre question.
Au-delà de mes élucubrations un peu obscures, avant d'enseigner, tu peux effectuer le test suivant :
- sélectionner un échantillon de textes de niveaux différents (par exemple : Alphonse Daudet, Balzac, Céline, Echenoz, un article du Monde/Figaro et un article économique du type Les Echos/l’Expansion).
- puis se faire dicter une page entière de chaque auteur. Tu évalues ton niveau.
- Par la suite, refais le test avec des gens autour de toi, et regarde déjà si tu peux leur expliquer à chaque fois leurs fautes et quelle règle de grammaire est à réquisitionner, sans même regarder le texte d’origine.
Si tu n’y arrives vraiment pas, ce n’est pas très bon signe.
Bien sûr, cet exercice n'est pas significatif de tout ce qui est fait au collège, néanmoins il synthétise bien ce qui est exigé ET d'un élève ET d'un tuteur/professeur (à domicile ou pas).
En revanche, ce que tu dois garder à l'esprit est que l'on te demande non seulement d'être bon dans la pratique du français, mais aussi d'être un bon pédagogue. Il faut non seulement que tu "pratiques" bien, mais que tu puisses bien expliquer les choses. La qualité professorale n'est pas seulement un bon propos dans l'absolu, c'est aussi celui du bon propos qui est adapté à la structure de compréhension de l'élève en question.
Très important, les cours de français du collège sont très différents de celui du lycée.
Pour ma part, je trouve que le programme de lycée est vaste et qu’il s'attache davantage aux "techniques littéraires" qu'aux questions de pur français que l'on suppose déjà assimilées au lycée voire au primaire (dans l'idéal).
Lors de mes stages de français, je dois faire le choix de me consacrer sur de la technique pure et non sur de la grammaire ou de l'orthographe. Vu la manière dont de nombreux professeurs de français esquivent certains points du programme, je dois assumer des chapitres particulièrement peu appétissants pour les gamins et en faire de la tarte à la crème afin, et d'un, de les marquer psychologiquement afin qu'ils retiennent ces éléments fondamentaux pour le bac, et de deux, de leur expliquer l'effet des techniques en question (sinon cela n’a pas de sens).
Un exemple de programme que j'applique pour être sûr que les lycéens qui me passent entre les mains sachent de quoi ils parlent :
- les figures de style (++++) + exemples + explication de l'effet (beaucoup de prof et de manuels omettent cela, tu le constateras par toi-même).
- les registres (super importants), (++++)
- histoire de la littérature avec périodisation, courants littéraires, auteurs importants, œuvres incontournables, etc. (+++)
- les genres (occasion de faire appel à l'histoire de la littérature) (++)
- les discours,
- approche "technique" par objet (poésie, théâtre texte et représentation, le personnage de roman, le thème transversal). (++++) => le plus technique : la poésie, puis le théâtre.
Rien que cela, c'est énorme. Parfois les parents d'élèves ne comprennent pas la lourdeur de ces cours et pensent directement "je veux que vous entraîniez mon fils au BAC" ce qui n'a bien évidemment aucun sens quand l'ado n'a même pas assimilé le langage et les réflexes de l'analyse littéraire que l'on attend de lui au BAC.
Pour ce qui est du collège, je ne peux absolument pas dire, mais c'est aussi un travail de longue haleine que de réinculquer les règles basiques du primaire et de leur faire réfléchir en termes de "nature" et "fonction".
Dernière remarque, va rechercher, imprimer, lire et surligner les différents bulletins officiels (B.O.) concernant les classes de sixième à première afin d'avoir un aperçu de ce qu'exige le ministère de l'Education Nationale et t'assurer d'être dans le "moule" de ce que décide l'Etat pour nos chers jeunes.
Personnellement, c'est un peu contraint que j'avais dû accepter d'assumer des stages de français et finalement, je préfère nettement cela à mes stages intensifs d'anglais. Comme quoi. Quand tu vois des yeux commencer à s’écarquiller, des doigts se lever et finir en feu d’artifice de question, tu sais que la mayonnaise a pris, et, avec du recul, ce n’est pas très difficile.
Enfin, il faut dans ce métier accepter l'échec malgré tous ses efforts. J'ai personnellement eu des élèves qui n'ont pas gagné de points l'année dernière. Tout simplement, ils étaient arrivés gonflés à bloc au bac, mais ceux qui avaient choisi le texte d'invention en 2011 n'avaient pas compris une subtilité du libellé... et avaient ainsi rédigé un texte à la 3e personne alors qu'était attendue l'utilisation de la première personne du singulier.
Le pire a été de voir que le sujet était largement faisable car nous nous étions entraînés sur un sujet dans un registre identique et à la même période. Aucun élève n'a pompé le corrigé qui avait été fait (4 pages Word), lu, relu et même joué en classe par les élèves !
Ce sont des épisodes comme cela qui peuvent te mettre en rage. En parallèle, cela aide à "grandir" en tant que prof (en herbe), prendre du recul et mettre en place des mécanismes de vérification plus élaborés. En attendant, aucun dispositif n'est parfait, surtout quand les élèves ont un (gros) poil dans la main.
Voilà, j'espère que ce post tardif pourra t'aider ou en aider d'autres qui se lancent dans cette voie.
Courage et bonne route !