Les villes moyennes françaises
INTRODUCTION"La particularité des villes moyennes est de continuer à s'enraciner dans un territoire bien délimité, plus restreint, et donc de reposer principalement sur des réseaux locaux et régionaux" (Oberti, in Bagnesco et Le Galès, 1997)
Certes les villes moyennes sont plus faciles à repérer dans les espaces peu peuplés, mais elles paraissent parfois être des extensions de grandes villes - métropoles dans le cadre de la périurbanisation. La priorité donnée à l'étude multiscalaire a fait naître l'idée d'une ville ni petite ni grande, mais quel peut être son seuil démographique ? Il varie selon les études :
20 000 --> 50 000 habs
50 000 --> 200 000 habs
On parle ici, comme toujours en France, d'habitants agglomérés (moins de deux cents mètres d'écart entre toutes les habitations.
On retiendra lors de cette étude le seuil plus étendu de l'INSEE qui s'étend de 20 000 à 200 000 habitants.
Mais quelle définition de la ville ? C'est un milieu géographique et social formé par une réunion organique et relativement considérable de constructions et dont les habitants travaillent, pour la plupart, à l'intérieur de l'agglomération, au commerce, à l'industrie, à l'administration.
Les villes moyennes françaises sont-elles des espaces urbains différenciés ( de par le mode de vie de leurs habitants, l'aménagement et les réseaux de relation extraurbains) ?
I) La ville moyenne : plus qu'un concept ? A) Les héritages "christallérien"Le schéma christallérien (cf document polycopié) essaye de montrer la régularité du réseau de villes, du semis urbain. Christaller l'a appliqué à la Bavière mais il semble également pouvoir être de rigueur de l'utiliser en France, en particulier au nord du Massif Central (Allier) - dans la France rurale en gros. Ainsi la taille des villes, leurs fonctions, leur localisation s'inscrivent dans un système de relations imposé par la proximité spatiale. Cela rend compte des villes de rang isupérieur, inférieur et égal. La ville moyenne peut être chacune de ces villes, souvent c'est le cas des villes de rang B en France mais tout dépend de l'échelle.
B) L'apparition du terme Ce sont d'abord les économistes et les démographes qui ont travaillé les premiers sur la ville. Après la seconde guerre mondiale, toutes les villes ont augmenté leur population et les écarts de population entre grandes et petites villes se sont accrus. Mr Sorre, dans sa
Géographie humaine éditée en 1952 - et plus particulièrement dans le tome 3 de cet ouvrage - nie les moyennes villes. Tout le monde s'intéresse d'ailleurs en priorité aux métropoles et autres grandes villes. Ce concept nouveau apparaît véritablement dans le
Précis de Géographie humaine de Pierre George en 1961. Sa description est la suivante :
Ce sont des villes qui ont une population comprise entre 50 000 et 150 000 habitants. Elles possèdent un noyau administratif important, un lycée et un embryon d'enseignement supérieur. Pourtant, Pierre George tend à ne pas différencier outre mesure petites et moyennes villes devant les grandes métropoles. En conclusion de ce même précis de géographie humaine il résume la France urbaine à "Paris, une douzaine de capitales régionales, les petites villes." Depuis le terme est reconnu par la D.A.T.A.R.
C) Délimiter les villes moyennesAujourd'hui la D.A.T.A.R. décrit une ville moyenne avec un nombre d'habitants compris entre 20 000 et 200 000 contre l'avis même du Centre de recherches et d'urbanisme qui préconisait l'utilisation d'un seuil plus réduit : 20 000 --> 100 000 habitants. Une ville moyenne c'est avant tout un centre sous-régional avec un équipement commercial complet - excepté l'équipement commercial de luxe -, un hopital de proximité et une desserte ferroviaire voire dans de plus rares cas autoroutière. En fin de compte, la délimitation territoriale et démographique n'est pas exclusive pour définir la ville moyenne. On s'appuit également sur ses activités et ses équipements publics et privés.
Une ville moyenne est la plupart du temps non représentative de l'échelle communale. En effet, en France - et à la différence de pays comme l'Allemagne - on appuie la définition de villes sur le nombre de ses habitants agglomérés (2000 habitants agglomérés sans espace de plus de 200 mètres entre chaque habitation et pouvant s'étendre sur plusieurs territoires communaux. Il suffit de multiplier par dix pour obtenir une ville moyenne)
Pourtant, dans la région parisienne il existe une multitude de villes moyennes (Saint-Denis, Rungis, Sartrouville etc...) qui ont émergé dans le cadre de la déconcentration et de la périurbanisation. Ainsi, parfois, plusieurs villes moyennes se touchent (Roubaix et Tourcoin, une multitude dans la région parisienne) Mais est-ce donc toujours des vilels moyennes ou - dans le cadre des communautés territoriales - des grandes villes par alliance voire de simples extensions de métropoles ?
En fait il semble exister une multitude de villes moyennes....
II) Des villes moyennes : une hétérogénéité urbaineA) Un mode de vie plurielJ.-C. Boyer différentie les villes moyennes des grandes villes par l'animation nocturne : après 19-20 heures les rues et les places sont désertées et les commerces fermés. Il y a généralement une absence d'université et un vieillissement de la population. Cela conduit à une ambiance différenciée. La Rochelle a obtenu une université en 1993 mais assez incomplète comme Lorient ou encore Angoulême qui ne possède qu'un seul pôle d'enseignement supérieur. Mais que dire de l'ambiance de certaines villes moyennes comme Antibes Juan-les-Pins par exemple ? Peut-on comparer cette ville avec Charleville Mézière ou Calais ? Tout dépend des héritages sociaux industriels entre autres, de la localisation et de la spécialisation communale.
B) Des paysages variésOn dit souvent que les villes moyennes sont des villes secondaires possédant un petit centre ville historique avec des maisons à double étage et de petits commerces au rez de chaussé connaissant des difficultés à s'implanter durablement. Troyes en est un parfait exemple. La politique actuelle de cette ville tend à vouloir redynamiser le centre historique en subventionnant les rénovations de vieux édifices publics et même privés. Le bourg, le centre-ville est le noyau de sociabilité et c'est pour cette raison qu'il est privilégié lors de l'aménagement. Autour on ne trouve que des quartiers dits "dortoirs" généralement peu animés.
Pourtant il serait restrictif de proposer un paysage urbain pour plus de deux cent villes moyennes. Les villes de la région parisienne offrent un tout autre regard. Enclavées en banlieue les unes des autres, elles sont constituées majoritairement d'édifices collectifs datant des années 1960. Ce sont des villes moyennes champignons (Sénart-Melun, Saint-Denis etc) du fait de l'exode rural. Ces villes, planifiées pour l'utilitarisme (cf : Charte d'Athènes) souffrent de délabrement voire d'un cruel manque d'innovation. Le noyau de sociabilité prévu dans ces villes et souvent appelé "Agora" est toujours délaissé. Ce sont donc des villes moyennes laissées pour compte mais que l'Etat essaye maintenant de revitaliser et de répondre aux attentes de leurs habitants (Tangentielles parisienne).
C) Villes sectorielles avant tout Etude de cas de Montluçon, Vichy et Moulins ; trois villes du département de l'Allier. Ce sont trois villes moyennes spécialisées :
- Montluçon est une ville plutôt industrielle
- Vichy une ville touristique et thermale
- Moulins une ville commerciale et administrative
Il y a donc une évidente interdépendance entre ces trois pôles départementaux. Mais depuis la création de l'A71 entre Montluçon et Clermont, la ville industrielle semble de moins en moins proche des deux autres. On peut donc se demander s'il faut privilégier l'équilibre des villes moyennes spécialisées ou plutôt faciliter la compétition entre ces dernières.
D'autres villes sont touristiques et concurrentes naturellement. On pense par exemple à la Vendée, aux Sables d'Olonne et La Baule qui attirent le même type de clientèle. Cette concurrence peut avoir de lourdes conséquences pour l'une ou l'autre de ces villes car elles sont toutes deux hyperspécialisées dans le tourisme balnéaire.
D'autres sont plus isolées et doivent répondre aux besoins environnants comme Guéret, Ajaccio, Aurillac ou Cherbourg. Ces villes sont moins spécialisées mais pour des raisons pratiques ce qui nuit à l'investissement dans un domaine particulier.
Enfin certaines villes moyennes jouissent d'une véritable attractivité : Lourdes est un haut-lieu du pèlerinage de confession catholique, Albi possède un centre historique majeur qui accueille plus de 150 000 curieux chaque année et qui va être classé à l'UNESCO en juillet 2010.
Au final, mis à part les villes moyennes isolées, peu d'entre elles sont non spécialisées. C'est d'ailleurs, leur spécialisation, une partie de leur définition effective qui les oppose à la fois aux métropoles globalisante et d'autre part aux villages et petites villes qui se doivent de répondre aux premiers besoins de leurs habitants sans pour autant devoir se spécialiser dans une activité en particulier.
III) Des villes en devenir ?A) Un aménagement spécifique : vers l'ouvertureLes villes moyennes dépendent en partie de leur arrière pays, du territoire environnant. Les grandes villes dépendent plus d'elles-mêmes et des autres métropoles internationales. Du côté de l'aménagement on connaît les
Plans de villes moyennes mais certaines villes en ont bénéficié alors qu'elles n'ont pas les 20 000 habitants minimum admis par la D.A.T.A.R. (Autun par exemple). Il s'agit de redynamiser ces villes souvent négligées au profit de métropoles régionales, de faciliter les coopérations entre villes, d'adapter l'aménagement à l'agglomération urbaine.
La coopération internationale se résume à un jumelage souvent méconnu par les habitants eux-mêmes. Le jumelage est seulement le fait d'échanges de délégations annuelles ou de lycéens par exemple en voyage scolaire. Rochefort sur Mer est par exemple jumelée avec une autre ville moyenne allemande : Papenburg.
Mais les villes moyennes souffrent véritablement d'un faible accès aux médias et ainsi d'une faible notoriété. Le jumelage sert difficilement la notoriété d'une ville même s'il n'est que rarement réalisé au hasard : jumelage par une histoire commune, une spécialité commune etc...
Au final, pour dire vrai, cela ne sert aucunement le rayonnement des villes moyennes tout comme d'ailleurs les récompenses pour les villes fleuries. Ce qui est primordial pour la notoriété d'une ville moyenne c'est l'organisation d'événements mondiaux en son sein. On connaît bien entendu Saint-Dié et son festival international de géographie, Carhaix et ses vieilles charrues, Marmande et son festival Garorock voire l'opportunité sportive de quelques unes de ces villes comme Boulogne sur Mer qui a accédé récemment à la Ligue 1 de football).
B) Une transformation progressive des activitésDans le cadre de la mondialisation on a une multiplication des activités de service. Parmi elles on trouve le tourisme bien entendu mais également les héritages culturels qui portent le territoire grâce au tertiaire. Certaines villes qui ne connaissent pas cette chance tentent de transformer leur image :
Etude de cas sur Lens. C'est une ville moyenne noire, avec des quartiers de corons et ainsi une image industrielle persistante et incrustée sur le territoire. Mais depuis une quinzaine d'années il y a une multiplication des colloques pour sauvegarder ce passé et non pas le détruire. On a donc une progressive muséification des mines et des entreprises de la houille et on tente de reverdir les terrils qui forment aujourd'hui des collines accueillantes et verdoyantes. Egalement on met l'accent sur les supporteurs fairplay de l'équipe de football de Lens qui n'oublient que très rarement de chanter leur hymne d'avant match :
les corons de Pierre Bachelet.
Ainsi Lens change progressivement d'image.
De nombreuses villes qui ont subi l'exode rural bénéficient maintenant d'un exode urbain des retraités voire même des jeunes couples (en particulier les littoraux et les campagnes). On a également une multiplication des maisons secondaires dans certaines d'entre elles comme Aurillac, Le Puy en Vellay, Royan etc... Mais peut-on parler d'une mort de ces villes ? Cette "secondairisation" ne serait-elle pas une caractéristique de ces villes secondaires ou au moins pour une partie d'entre-elles?
C) Territoires entre marginalisation et intégration ?La ville moyenne connaît un regain d'intérêt : on axe la publicité sur la proximité de la campagne, le cadre calme et paisible. Cela attire les couples qui veulent un jardin pour élever leurs enfants. La ville moyenne semble au final être un entre-deux, pour ceux qui n'apprécient ni le rythme effréné des grandes villes ni l'isolement des villages et petites villes de campagne.
Au total, 32% des urbains vivent dans ces villes soit environ 1/3 de cette population. (75% des 64 millions de français vivent en ville).
Dans ce cas peut-on parler de marginalisation ou d'intégration? Ne serait-ce pas un territoire qui se veut à part mais qui ne peut se permettre de trop s'isoler tout simplement?
CONCLUSIONLe monde des villes moyennes - dont les maires se réunissent chaque année d'ailleurs - témoigne d'une grande diversité, certainement plus aboutie qu'au sein des métropoles ou des hameaux. Plus que différenciées des grandes et petites villes, les villes moyennes proposent un modèle de vie à part et axé sur l'entre-deux. Elles sont généralement spécialisées et peuvent ainsi être souvent complémentaires en proposant autant de modes de vie qu'il n'existe de villes moyennes. Certaines sont cependant assez concurrentes à cause de leur proximité et de leur spécialisation (le tourisme balnéaire en Méditerranée surtout),
Si l'Aménagement du territoire les a souvent négligé on peut se demander si les villes moyennes ne sont pas une réponse hétérogène mais adéquate au développement urbain durable ?