Issu d'une famille de paysans sans grande instruction, Ferdinand Cheval est né le 19 avril 1836 dans le village de Charmes, à quelques lieues de Romans. Il devient facteur rural autour de 1867. Ferdinand est un rêveur. Pendant sa tournée, il s'imagine construire des mondes féeriques, un palais surtout.
Un jour d'avril 1879, son pied bute contre un obstacle, Ferdinand est projeté dans une chute et lorsqu'il se relève, il découvre une pierre à la forme extraordinaire. Ce sera la révélation, le coup d'envoi pour une aventure incomparable. À partir de cet instant, Ferdinand ne connaîtra plus la quiétude d'un retour à la maison après le travail. Même pendant ses tournées, il ramassera pierres et cailloux, les chargera sur son dos, fera des kilomètres ainsi alourdi et ne vivra plus que pour l'édification de son palais. Il a 43 ans lorsqu'il entreprend la construction de son oeuvre. Il creuse d'abord un bassin dans lequel il sculptera un bestiaire incroyable. Ensuite, il y ajoutera une cascade. Deux ans seront nécessaires à cette réalisation. Il met les vingt années suivantes à élever les murs extérieurs du palais. Avec des pierres de toutes formes, du mortier, du ciment et de la chaux, Cheval façonne des murs pouvant atteindre jusqu'à 11 mètres de hauteur, illustrés de scènes que l'on sent inspirées de fables bibliques et orientales. Le château fait approximativement 23 mètres de longueur et nul autre que Cheval ne participe à sa facture.
Dans les environs, on le considère un peu simple. Il passe pour l'idiot du village et ses voisins critiquent même son entreprise. Mais lorsque des pans entiers de ce palais singulier prennent forme sous leurs yeux, année après année, ils n'ont d'autre choix que de se rendre à l'évidence du génie de Cheval. Et non seulement de cet aspect visionnaire qui caractérise son oeuvre mais de l'acharnement qu'il met à la mener à terme, seul, comme investi d'une mission divine...
Le facteur crée à partir de visions. À partir de visions qu'il a depuis longtemps. Et ces visions sont certes extraordinaires puisqu'elles inspirent à Cheval un univers que son éducation modeste est loin de lui avoir légué. Certaines de ses représentations rappellent des statues de temples hindous ou bouddhistes, la structure de ses fresques donne presque une image issue de l'imaginaire impossible d'Antonio Gaudi (né en 1852)... Sur toutes ses façades, son château présente des inscriptions qui chantent les louanges du labeur et de la simplicité : Créature, Viens admirer la Nature. Tout ce que tu vois, passant, Est l'œuvre d'un paysan. Aussi, Ferdinand Cheval, tout modeste qu'il soit, tout idiot qu'on prétend qu'il est, a drôlement conscience de son oeuvre !
Cet improbable palais s'achève en 1912. Ferdinand Cheval n'a plus d'autre rêve que d'y être enseveli. Mais la loi française ne le permet pas. Cheval a alors 76 ans. Le facteur à la retraite, loin de baisser les bras, s'attèle alors à la fabrication de son tombeau. De 1914 à 1922, Cheval transportera encore des pierres et des cailloux et construira à mains d'homme le lit de son repos éternel. Ce dernier chef-d'œuvre de l'artiste Cheval, le Tombeau du Silence et du Repos sans fin accueillera la dépouille de son créateur deux ans plus tard, en 1924, alors que l'inépuisable Cheval, s'éteint à l'âge de 88 ans.
Les oeuvres renversantes de ce bâtisseur de rêves passeront monuments historiques (le Palais idéal en 1969 et le Tombeau du silence et du repos sans fin en 1975), grâce à plusieurs artistes et hommes politiques qui reconnaîtront son immense talent. Edmond Michelet, André Breton, Pablo Picasso, entre autres, auront cautionné les réalisations de Cheval. André Malraux ira même jusqu'à proclamer que le Palais idéal était " le seul représentant en architecture de l'art naïf "...
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