La Russie est au programme du baccalauréat, et également au programme du CAPES et de l'agrégation cette année et l'an prochain. Une question parfois difficile à aborder.

Histoire de lancer le débat, voici quelques références bibliographiques :
Les deux "grands" auteurs de la géographie de la Russie, les deux noms qu'il faut retenir : Jean Radvanyi et Denis Eckert.

RADVANYI, Jean, 2007 (réédition), La nouvelle Russie, Armand Colin, Collection U, Paris.

ECKERT, Denis, 2007 (réédition), Le monde russe, Hachette Education, Collection Carré Géographie, Paris.

Le fait que la question soit aujourd'hui au programme des concours de l'Education nationale a multiplié les ouvrages récents.
Parmi eux, notons la démarche originale des Editions du Temps de faire un ouvrage qu'à partir de chercheurs russes. Une bonne perspective pour croiser le regard français et le regard russe sur la Russie.

KOLOSSOV, Vladimir (dir.), 2007, La Russie. Espaces, villes, réseaux, Editions du Temps, Collection Questions de géographie, Paris, 320 pages.

Autre approche originale de la question russe : Denis Eckert a publié un recueil de documents sélectionnés pour répondre aux attentes du concours. Une présentation du sujet, une sélection d'articles majeurs, et une bibliographie commentée.

ECKERT, denis, 2007, La Russie, Hachette Supérieur, Collection recueils pour les concours, Paris, 192 pages.

Egalement un dictionnaire géographique consacré à la Russie :

BRUNET, Roger, 2001, La Russie. Dictionnaire géographie, CNRS/Libergéo/La Documentation Française, Paris, 480 pages.

Attention, ce dictionnaire est assez cher (environ 35-40 €) et mérite d'être consulté en bibliothèque comme perspective d'approfondissement.

Pour les lycéens :

FOUCART, Patricia, et RUFFIN, Bruno, 2004, La Russie en recomposition, Ellipses, Collection Zoom géo, Paris, 128 pages.

Un petit ouvrage synthétique pour approfondir cette question qui tombe parfois au bac ! Plan du "cours" proposé par l'ouvrage :

I/ La nouvelle Russie, héritière d'un long passé
II/ Un Etat en pleine mutation
III/ La Russie d'Europe domine

Avec des fiches synthèse, et des sujets corrigés.

Pour ceux qui passent les concours, n'oubliez pas que dans la question de l'organisation du territoire russe, ou dans la question de la géopolitique russe, il ne faut pas oublier Kaliningrad, une enclave russe au sein de l'Union européenne.

L'existence de cette enclave pose de nombreux défis : pas de "lignes directes" vers la Russie, Kaliningrad est d'autant plus coupée du territoire russe que l'élargissement de l'Union européenne le 1er mai 2004 a "englobé" les pays baltiques. Avec comme défi pour cette enclave : la circulation des marchandises et des hommes avec la Russie et avec l'Union européenne, le rôle particulier de cet espace pour la Russie (un avant-poste militaire, un avant-poste économique avec l'ouverture sur la Baltique), le problème de l'identité des populations de Kaliningrad (mélange de populations autrefois allemandes et prussiennes)...

Un conseil de lecture sur la question :
TETART, Frank, 2007, Géopolitique de Kaliningrad. Une "île" russe au sein de l'Union européenne élargie, Presses universitaires de l'Université Paris-Sorbonne (PUPS), Collection Mondes contemporains, Paris, 478 pages.

Pour information : Frank Tétart écrit les textes pour l'émission "Le Dessous des cartes".

Du coup, une émission du dessous des cartes consacrée à Kaliningrad :



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Je pensais que c'était toujours un haut-lieu de la flotte et de l'armée russe en général, où stationne l'armée maintenant si ce n'est plus à Kaliningrad?

Du fait de sa position récente d'enclave, Kalinigrad a perdu cette fonction militaire, primordiale dans l'organisation de l'espace. C'est un espace en totale recomposition (je pense là au programme de Terminale notamment). La décomposition de l'URSS signifie pour ce territoire à la fois :
- une ouverture possible sur l'extérieur
- une séparation géographique d'avec la Russie

A l'époque de l'URSS, Kaliningrad n'était pas une enclave, mais elle était intégrée à l'ensemble territorial. Kaliningrad jouait alors un rôle stratégique primordial : la Baltique était un des lieux d'affrontements entre les deux blocs. Pourquoi Kaliningrad avait ce rôle : tout simplement parce que son port était libre de glaces toute l'année.

Mais avec la disparition de l'URSS, il était dangereux pour la Russie de laisser de telles installations militaires sur un territoire difficile à contrôler et à protéger du fait de la césure entre Kaliningrad et le reste de la Russie. Aujourd'hui, le commandement militaire se trouve à Saint-Pétersbourg.

Ok, parce que j'avais entendu (en terminale) que les européens avaient demandé aux russes d'enlever leurs forces armées de Kaliningrad car avoir une armée (d'un pays d'on on se méfie) au milieu de l'UE ce n'est pas très logique...

Il est d'ailleurs curieux de constater que les Russes restaurent les monuments subsistants du temps où Kaliningrad s'appelait Königsberg. La cathédrale, en ruine il y a une dizaine d'année, a été restaurée. J'ignore si elle est ouverte au culte, car il ne doit plus y avoir beaucoup de Protestants dans cette portion de Prusse Orientale.

En ce qui concerne la restauration des edifices religieux, c'est une vague dans toute la Russie depuis la chute de l'URSS. L'enorme cathedrale de Moscou dont j'ai oublie le nom, sur les bords de la Moskva, rasee par Staline pour y faire une piscine geante, a ete reconstruite a l'identique dans les annees 90. De meme beaucoup d'eglises (plusieurs centaines je crois) furent detruites pendant le communisme a Moscou. Aujourd'hui tout ce qui peut etre restaure l'est. Meme phenomene dans le reste de la Russie. C'est etonnant de voir comment la foi (ou l'attachement a la religion) d'une grande partie de la population a survecu a toutes ces annees de communisme, meme chez les jeunes. Quand j'etais en Siberie j'ai vu une queue de 3h, en plein hiver, devant la cathedrale locale, pour aller admirer les reliques de Ste Varvara. De plus on peut constater que le pope de l'eglise orthodoxe russe a repris une influence enorme dans les annees qui ont suivi la chute du mur.
Bref, tout cela est tres etonnant pour quelqu'un comme moi venant d'une societe tres laicisee.

Maintenant, je ne sais pas si c'est la meme dynamique a Kaliningrad. La restauration de monuments "germaniques" s'etend-elle aux edifices non-religieux?

Le palais royal a été dynamité pour construire un palais du peuple du plus beau style stalinien. Pour le reste, j'avais vu un documentaire sur une télévision allemande il y a quelques années, c'était une ville plutôt moche. Mais il faut dire que la bataille n'avait laissé que des ruines.

L'emission sur Kalinningrad est bien, merci.

La croissance de la Russie est-elle de 5% par an? La Russie est-elle une grande puissance militaire de nos jours?

Massinissa a écrit:

La Russie est-elle une grande puissance militaire de nos jours?

Bonne question.

L'URSS était une super-puissance planétaire.

La Russie de 2008 est, dirais-je, une grande puissance. Sa fragilité réside dans les forces classiques.

Contrairement à la France ou la Grande-Bretagne, elle ne dispose guère de capacités d'intervention loin de ses frontières, notamment à cause de l'absence d'alliances internationales.

Ses capacités de combat classiques sont équipés de matériels datés, mal entretenus et peu disponibles. Le moral des troupes est catastrophique, en dépit du chauvinisme et du militarisme plus fort chez les Russes que chez les Européens occidentaux. Seule la récente rente financière des matières premières laisse entrevoir une possible amélioration technologique des matériels et morale des troupes.

Ce qui permet à peine à la Russie de mener à bien ses opérations anti-guérillas dans sa province caucasienne de Tchétchénie.

Pour résumer, des capacités de combat classiques équivalentes à la RFA ou la France/Italie, avec un arsenal nucléaire de super-puissance mais sans emploi.

Je la classe quand même à la seconde place derrière les USA, mais bien loin de ce que représentait l'URSS, et uniquement parce que les grosses armées occidentales (France, G.-B., RFA) restent embarrassées par la cupabilité éthique propre à l'Occident.

"Pour résumer, des capacités de
combat classiques équivalentes à la RFA ou la
France/Italie, avec un arsenal nucléaire de super-puissance mais
sans emploi."

Comment ça?

Merci Gaia, c'est vrai que les occidentaux ont cette vision plus "humaniste" (à prendre avec des pincettes de la guerre) en effet les Russes pour moi sont une puissance à ne pas négliger mais je ne sais pas si on pourraient les placer derrière les Etats-Unis, la Chine n'est pas plus puissante?

Thibault a écrit:

Comment ça?

Comment ça quoi ?

Massinissa a écrit:

Merci Gaia, c'est vrai que les occidentaux ont cette vision plus "humaniste" (à prendre avec des pincettes de la guerre)

Du hooligan à Dutroux en passant par les gardes américains sadiques de la prison d'Abou Graïb, tous n'ont pas d'état d'âme.

Massinissa a écrit:

en effet les Russes pour moi sont une puissance à ne pas négliger mais je ne sais pas si on pourraient les placer derrière les Etats-Unis, la Chine n'est pas plus puissante?

Est-ce que la Chine peut militairement intervenir dans les pays voisins aussi facilement que la Russie ? Elle s'est déjà pris des trempes contre Taiwan et le Vietnam. Seuls un Tibet (1950) ou une Inde (1962) désarmés ont été désemparés face aux armes chinoises. De même, la Chine ne s'est jamais permis un geste pour reprendre avant l'heure Macao ou Hongkong, alors que l'Inde ne s'est pas privée de mettre la main sur les derniers comptoirs occidentaux après son indépendance, armes au poing.

En fait, le fait d'armes le plus brillant de la Chine populaire après la Seconde Guerre mondiale fut d'avoir gelé la progression des troupes de l'Onu en envoyant des millions de couteliers se faire décimer en Corée (1950-1954). Pour le reste, c'est du massacre de civils désarmés (de 1950 à aujourd'hui).

L'armée chinoise manque de moyens pour projeter sa puissance (avions de transport, chalands de débarquement, porte-avions, troupes parachutistes ou de marine). C'est une force essentiellement apte à des missions de police interne, ce dont elle peine à s'acquitter sans faire couler le sang (alors que les armées soviétique, nord-vietnamienne ou cubaine, entre autres, maintenaient une terreur sans combattre).

Actuellement, la Chine développe ses capacités de projection de puissance, notamment à l'égard de Taiwan, ce qui a animé l'écriture d'un scénario d'invasion de Taiwan par les stratèges américains en 2006. Mais nous sommes en 2008 et les Taiwanais peuvent toujours voter !

Armée pléthorique mais minable, trop nécessaire à l'intérieur pour l'envoyer à l'extérieur, quand bien même on pourrait assurer la logistique. Armes copiées, dépendance et suivisme technologie, alors que les Russes développent leurs propres armes de dernière génération. Les atouts de l'armée chinoise sont la quantité de chair à canon et l'endoctrinement, sorte de pseudo-marxisme plaqué sur un chauvinisme ardent, ce dernier n'ayant jamais fait preuve d'efficacité dans l'histoire militaire de la Chine.

***

J'en déduis que l'armée classique russe l'emporte sur la chinoise par la qualité, notamment dans l'air et sur mer. Et la Russie surpasse la Chine dans le nucléaire militaire.

Je pense qu'il faut relativiser un tantinet. Vous mentionnez des conflits anciens et l'armée chinoise a investi énormément depuis 10 ans. Il est evident qu'elle a beaucoup de retard, mais elle est en train de le combler. Mais je pense qu'elle est toujours prisonnière des tactiques soviétiques, qui ont largement fait leur temps.

Jean-Marc Labat a écrit:

Je pense qu'il faut relativiser un tantinet. Vous mentionnez des conflits anciens et l'armée chinoise a investi énormément depuis 10 ans.

A mes yeux, l'inaction militaire de l'armée chinoise depuis plusieurs décennies constitue encore un facteur de faiblesse. Les troupes chinoises ne sont pas entraînées au combat réel ni à l'usage de leurs matériels sophistiqués. Les armées occidentales ou russes combattent, avec difficulté, des guérillas depuis plusieurs années et savent utiliser leurs systèmes d'armes. Or l'entraînement et la confrontation réelle sont d'autres facteurs de qualité des armées.

Sur cette question Chine-Russie, je vous recommande le compte-rendu d'un colloque organisé par Isabelle Facon en 2005 : "Russie-Chine : enjeux des coopérations militaires et du partenariat énergétique", qui fait le point sur différents aspects de cette relation ambiguë concurrence/coopération. Assez long et "pointu"... La relation entre ces deux pays ne se pose pas seulement en termes d'actions militaires, et la puissance militaire ne se pose pas seulement en termes d'actions réelles, mais également en termes de potentiel pour le futur proche.

http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/colloques/20050124.pdf

Gaia a écrit:

Jean-Marc Labat a écrit:

Je pense qu'il faut relativiser un tantinet. Vous mentionnez des conflits anciens et l'armée chinoise a investi énormément depuis 10 ans.

A mes yeux, l'inaction militaire de l'armée chinoise depuis plusieurs décennies constitue encore un facteur de faiblesse. Les troupes chinoises ne sont pas entraînées au combat réel ni à l'usage de leurs matériels sophistiqués. Les armées occidentales ou russes combattent, avec difficulté, des guérillas depuis plusieurs années et savent utiliser leurs systèmes d'armes. Or l'entraînement et la confrontation réelle sont d'autres facteurs de qualité des armées.

Je suis entièrement d'accord avec toi. La technologie ne fait pas une puissance militaire. Sauf si on sait s'en servir ce qui n'est à mon avis pas du tout le cas des chinois.