J'ai souvent remarqué, passant des grands ponts (faut-il dire viaducs s'ils sont grands ?), que ce passage est pour nous un vrai franchissement de frontière, entre deux univers géographiques.
Près de chez moi, le viaduc de l'Arrêt-Darré.

Il faudrait discuter de ce qui est arrivé à cette rivière inconnue, affluent de l'Arros (elle même affluent de l'Adour), traversant une zone très boisée au pied des Pyrénées, et sur laquelle l'homme s'est acharné à construire, à transformer le paysage : le viaduc ferroviaire sur la ligne Toulouse-Irun, puis un siècle plus tard le viaduc de l'autoroute et un lac immense.

Voici une vue du viaduc de l'autoroute (vue depuis l'amont, d'un village au nom magnifique : Fréchou-Fréchet (prononcer fraichoufraichette)


et un lien intéressant http://fr.structurae.de/structures/data/index.cfm?id=s0003093
(ne pas copier leurs images sans leur demander, question de droit)

Ce qui est remarquable, c'est la pente du viaduc : on est au passage entre la plaine de Tarbes, au pied des Pyrénées (plaine de l'Adour et du gave de Pau), et le début du plateau de Lannemezan.
Et quand on franchit ces viaduc, en voiture ou en train, on perçoit clairement le passage géographique, le lien entre deux mondes. Je ressens sûrement ça parce que je vis là, (en aval du lac) et que je connais la différence culturelle entre les deux zones.
Avez-vous d'autres exemples de ponts-passages ?

Projet pour cette semaine : aller à pied vous chercher une vue des deux viaducs ensemble, et de la rivière (un projet écrit devient un engagement)

Je crois que le pont de Saint-Nazaire est également un bel exemple de franchissement de frontières



Il permet maintenant de relier Saint-Brevin-les-Pins (et tout le sud de l'estuaire) à Saint-Nazaire... Grâce à ce pont la commune de Saint-Brevin-les-Pins ne cesse de se développer. Aujourd'hui encore des opérations de lotissements s'effectuent, de jeunes couples viennent s'installer sur la commune.
Avant il fallait prendre le bac pour rejoindre les chantiers de l'atlantique pour les ouvriers...

Lorsque la tempête gronde et que le pont est fermé, il faut aller à Nantes pour franchir l'estuaire de la Loire (environ 45 min de route rien que pour rejoindre le prochain pont).

Et il relie donc le "sud de la Loire" au "nord de la Loire", deux mondes météorologiques dans l'imagerie populaire ! (idées reçues tenaces)

Mais pas si fausses localement, il y a souvent d'importantes différences de météo entre la Baule et Saint-Brevin ;-)

Autres qu'en France, Il y'a le pont de Brooklyn construit en 1883 à New York. Il permet le lien entre le centre (Manhattan) et les "suburbs" qui sont le lieu de vie des classes moyennes. Le pont permet de faire le lien entre la vie professionelle de la population et la vie familliale. Chaque matin des milliers voir peut-être des millions empruntent le pont pour aller travailler et le soir le même nombre de personne réemprunte ce pont pour rentrer chez soi.
On peut aussi trouver ce type de phénomène dans l'histoire avec par exemple la ville d'Arles à l'époque gallo-romaine. La ville était, et est encore divisée en 2 par le Rhône. Les romains avaient construit un pont en bois monté sur des bateaux, et il était connu dans tout l'empire. Il permettait de faire le lien entre les deux parties de la ville sans bloquer le traffic fluvial, puisque monté sur bateau on pouvait le déplacer et laisser la place aux bateaux de commerce.

J'ai entendu parler d'un projet de pont qui fait beaucoup de débat en Italie, il s'agit bien entendu de construire un viaduc à Messine, pour relier la Sicile au continent. Mais beaucoup sont contre pour des raisons paysagères...
Et c'est là que l'on hésite à rapprocher les îles des continents en cela que l'aspect visuel et environnemental se retrouve compromis.

Mais il y a des cas où l'environnement ne pose aucun problème :
-Millau, France, le célèbre viaduc autoroutier de Norman Foster, construit dans le PNR des Grands Causses!!!
-San Francisco, Californie, le Golden Gate allie désengorgement majeur et magnifiscence architecturale. Je considère cet ouvrage comme un chef d'oeuvre, un défi à Gustave Eiffel et sa dame de fer!
Et ces deux exemples ne gènent en rien l'environnement, au contraire ils le galvanisent!!!
Alors maintenant il faut bien peser le pour et le contre pour Messine...

american30 a écrit:

J'ai entendu parler d'un projet de pont qui fait beaucoup de débat en Italie, il s'agit bien entendu de construire un viaduc à Messine, pour relier la Sicile au continent. Mais beaucoup sont contre pour des raisons paysagères...
Et c'est là que l'on hésite à rapprocher les îles des continents en cela que l'aspect visuel et environnemental se retrouve compromis.

Il n'y a pas que ce problème : les italiens ont peurs des Siciliens. "Tous des mafieux!"

Thibault a écrit:

american30 a écrit:

J'ai entendu parler d'un projet de pont qui fait beaucoup de débat en Italie, il s'agit bien entendu de construire un viaduc à Messine, pour relier la Sicile au continent. Mais beaucoup sont contre pour des raisons paysagères...
Et c'est là que l'on hésite à rapprocher les îles des continents en cela que l'aspect visuel et environnemental se retrouve compromis.

Il n'y a pas que ce problème : les italiens ont peurs des Siciliens. "Tous des mafieux!"

Ouais genre les napolitains (continentaux) c'est pas des mafieux avec la Camorra

Pour répondre à Dédé, je crois qu'on dit viaduc quand le "pont" surplomble plusieurs éléments, comme route, cours d'eau...
ex : le viaduc de Millau

Sur la question des ponts comme "liens", voici un papier dans lequel j'interroge justement ce "déterminisme du lieu" qui nous fait penser quasi automatiquement le pont comme un lieu faisant lien... Bien évidemment, les cas étudiés sont pris dans un contexte très particulier (la guerre et l'immédiat après-guerre), mais la question reste : le pont comme lieu suffit-il à faire le lien ? En tout cas, il me semble que cela reste un champ à explorer dans la géographie. J'espère que la question vous intéressera !

"Des ponts entre les hommes : les paradoxes de géosymboles dans les villes en guerre"
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1768

Voilà encore un autre exemple de "pont lien entre deux univers".
Le cas de Mayence et Wiesbaden en Allemagne avec le Pont du Rhin. C'est un passage obligé pour passer d'un land à l'autre. Donc plus qu'une coupure physique, vient se joindre une césure politique.
La situation est la suivante : deux villes proches des deux cotés du Rhin, Mayence et Wiesbaden et à 40 km à l'Est du Rhin, Francfort donc une région spécifiquement urbaine.
Le pont est un lien historique qui permettait de defendre la ville de Mayence à l'époque des Romains. Devenue ville fortifiée de premier plan, la tête de pont s'est imposée comme "Kastel" de l'autre côté du Rhin au sortir de notre pont avec de nombreux bastions.
La logique est alors à la défense du lien stratégique entre les deux rives.
Finalement, ce n'est que récemment que le pont est devenu libre (fin XIX^ème) et relie aujourd'hui les deux lands même si le flux interrurbain reste modéré. Il est clair que la logique de la ville double n'est pas admissible car la convergence va plutôt en direction de Francfort que de Wiesbaden.
Il existe bien une réelle dissociation entre deux univers à travers ce lien qu'est le pont. D'un côté Mayence ville commerciale, autrefois bastion de défense germanique, ville religieuse et Wiesbaden, "la non rhénane", ville décentrée située le long de la chaine schisteux rhénane, ville de cure, station thermale sans véritable fonction commerciale. Entre les deux, une nuée de villes polarisées par l'agglomération de Francfort sur le Main.
Le pont de Kastel Bruckenkopf est bien un lien entre deux univers de part et d'autre la frontière des Lands et du Rhin.
On pourrait trouver des conditions semblables avec Strasbourg et Kiel, je pense aussi à Mannheim, Ludwighaven toujours sur le Rhin.
On peut dire que ce fleuve se présente souvent comme une frontière naturelle franchie par les ponts.