Qu'est-ce qu'un concept en géographie ?

"Un concept est une idée résultant d'un travail d'abstraction et de généralisation. Il traduit une réalité (ville, campagne, littoral, bocage...) au-delà des cas singuliers et de leurs caractères individuels. Il permet, à la suite d'un travail de classement et de comparaison, de grouper, en fonction de similarités plus ou moins poussées, des objets ou phénomènes particuliers. C'est un moyen nécessaire pour les concevoir, se les représenter rationnellement et les ranger, grâce à une construction mentale, dans des catégories réutilisables à chaque expériences nouvelle. Un concept n'est pas forcément éternel, mais façonné pour appréhender une situation donnée à un instant donné"
(cf : BAVOUX, J.-J., La géographie : objets, méthodes, débats, éditions Armand Colin, collection U, 2007)

Une fois de plus Mr Bavoux est très théorique et il m'est totalement impossible de comprendre cette définition sans mise en perspective, sans exemple.

"Représentation générale, de nature abstraite, clairement définie et même consensuelle, susceptible de guider la recherche et de fonder ses hypothèses. De con-capere : saisir ensemble. S'oppose par ces caractères à l'idée (qui est personnelle et moins précise) et à la notion, qui reste plus floue. Quelques concepts fondamentaux de la géographie : espace, lieu, territoire, réseau ; situation, champ ; interaction spatiale, gravitation, distance, étendue ; ressource, milieu. À d'autres titres, et probablement moins formalisés : ville, paysage. L'avancement des sciences tend vers la précision et l'enrichissement de la définition des concepts, comme le montre ce Dictionnaire ; la science molle n'a que des notions. Mais les définitions des concepts peuvent changer quand les sciences avancent."
(cf : BRUNET, Roger, Les mots de la géographie : dictionnaire critique, éditions Reclus - La Documentation Française, collection Dynamiques du territoire, 1992)

Un peu plus compréhensible mais très abstrait...

Qu'est-ce qu'une notion en géographie ?

"Idée qui reste imprécise, informulée ou de formulation encore vague, qui précède le concept ou ne parvient pas à aboutir au concept"
(cf : BRUNET, Roger, Les mots de la géographie : dictionnaire critique, éditions Reclus - La Documentation Française, collection Dynamiques du territoire, 1992)

J'ai un peu de mal avec l'idée de concept. Quelqu'un peut illustrer les définitions par un exemple?

Au fait l'abstraction désigne à la fois une opération qui consiste à isoler par la pensée une ou plusieurs qualités d'un objet concret pour en former une représentation intellectuelle, et le produit de cette opération.

Par exemple on prend les Alpes (objet étudié) et on isole son relief sommital généralement pointu et pentu (une qualité). On se le représente pour penser aux Alpes qui est caractéristique - dirons-nous ici - des chaînes de montagnes de type hercynien. Ainsi on dessinera généralement les Alpes avec des sommets pointus.

C'est pertinent comme exemple?

Par exemple on peut parler - après avoir étudié la ville en général - de villes différenciées. On dresse alors une typologie pour séparer les types de ville suivant les critères retenus (démographie, activités etc.). On obtient par exemple parmi les autres types qui ressortent de l'étude : les villes moyennes. Les villes moyennes sont donc une notion à partir d'une analyse personnelle et sans concertation. Mais il se fait que "les villes moyennes" devient un concept largement accepté par la communauté scientifique et grâce à une grande variété de publications et de colloques.

Un concept est-il alors un axiome? Personne ?

Je trouve la définition de Bavoux très claire, correctement appuyée sur l'empirisme classique. C'est-à-dire que le concept vient après l'expérience, l'idée et la connaissance procèdent de l'expérience du réel. Je vois plusieurs littoraux, ceux de Bretagne, ceux de Russie, ceux d'Afrique de l'Ouest, etc. J'en déduis un concept : le littoral est une interface entre la mer et la terre, entravant l'extension urbaine, mais favorisant le développement d'activités portuaires, l'ouverture sur le monde, des conséquences sur l'écosystème, etc.

Le concept permet de dresser de grands enjeux autour de lui, de grandes questions (écologique, urbanistique, économiques) qu'on peut se poser ensuite sur des cas particuliers.

Réfléchir sur un concept permet de mieux éclairer le réel. Étudier le réel permet de mieux définir le concept.

Néanmoins, certains considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'élargir les concepts dans l'abstrait. C'est l'idée du "rasoir critique" d'Occam (XIVe s.). En gros, il faut s'en tenir aux facteurs déjà connus et raisonner plus par l'induction que par la déduction.

Thibault Renard a écrit:

J'ai un peu de mal avec l'idée de concept. Quelqu'un peut illustrer les définitions par un exemple?

Au fait l'abstraction désigne à la fois une opération qui consiste à isoler par la pensée une ou plusieurs qualités d'un objet concret pour en former une représentation intellectuelle, et le produit de cette opération.

Par exemple on prend les Alpes (objet étudié) et on isole son relief sommital généralement pointu et pentu (une qualité). On se le représente pour penser aux Alpes qui est caractéristique - dirons-nous ici - des chaînes de montagnes de type hercynien. Ainsi on dessinera généralement les Alpes avec des sommets pointus.

C'est pertinent comme exemple?

Oui, exact.

La question de l'abstraction est assez vieille. En fait, c'est la grande question "d'où vient ce que l'on sait ?". Les philosophes antiques se la posaient déjà.

Trois possibilités.

- Le concept précède la chose, c'est le platonisme (de Platon). Par exemple : on a une sphère, c'est une chose. Le cercle, c'est un concept. Cette solution implique que c'est parce que j'ai déjà le concept de cercle en tête que je peux faire ou dessiner une sphère. Platon propose d'aller du monde réel (notre sphère), pour remonter au monde des idées (le cercle), vers les concepts.

- Le concept est dans la chose, c'est ce que pense Aristote. Là, c'est la sphère qui réalise, rend effectif, donne corps au cercle. Tu ne découvres pas le concept de cercle, mais tu reconnais qu'il est présent, en soi, dans la sphère.

- Le concept vient après la chose. Je vois la sphère, donc je pense au cercle. Observer beaucoup, c'est multiplier les expériences, donc pouvoir rapprocher les concepts, donc les améliorer, les transformer, etc. C'est ce qu'on appel en philosophie l'empirisme classique, ou l'approche conceptualiste. On travaille beaucoup sur ça en science sociale. Par exemple, l'apport de l'analogie est fondamental. Ratzel n'en a-t-il pas usé, lorsqu'il comparaît les processus géographiques à des processus biologiques ? Certes, ceci peut conduire à des dérives, spécifiquement dans cet exemple, au déterminisme. Pourtant, c'est toujours intéressant. C'est dans l'erreur qu'on apprend. Bref, la connaissance est un arbre. Plus on apprend de chose, plus les connexions peuvent se faire entre nos savoirs, nos concepts, nos idées, qui ainsi s'entremêlent et participent à leur complexification et leur approfondissement.

Sorcere a écrit:

Je trouve la définition de Bavoux très claire, correctement appuyée sur l'empirisme classique. C'est-à-dire que le concept vient après l'expérience, l'idée et la connaissance procèdent de l'expérience du réel. Je vois plusieurs littoraux, ceux de Bretagne, ceux de Russie, ceux d'Afrique de l'Ouest, etc. J'en déduis un concept : le littoral est une interface entre la mer et la terre, entravant l'extension urbaine, mais favorisant le développement d'activités portuaires, l'ouverture sur le monde, des conséquences sur l'écosystème, etc.

Le concept permet de dresser de grands enjeux autour de lui, de grandes questions (écologique, urbanistique, économiques) qu'on peut se poser ensuite sur des cas particuliers.

Réfléchir sur un concept permet de mieux éclairer le réel. Étudier le réel permet de mieux définir le concept.

Néanmoins, certains considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'élargir les concepts dans l'abstrait. C'est l'idée du "rasoir critique" d'Occam (XIVe s.). En gros, il faut s'en tenir aux facteurs déjà connus et raisonner plus par l'induction que par la déduction.

J'ai juste du mal à me représenter visuellement ce qu'il raconte et je fonctionne énormément sur le visuel. Bref!

Le concept vient après l'expérience et la généralisation que ce soit dans un sens ou dans l'autre (inductif - déductif). On est d'accord, le concept est une sorte de finalité - sans être éternel.

Mais en fin de compte le "concept" c'est un des résultats d'une typologie non? J'ai du mal à imaginer que les littoraux sont un concept définitif. Les littoraux balnéaires : concept ?

Sorcere a écrit:

Thibault Renard a écrit:

J'ai un peu de mal avec l'idée de concept. Quelqu'un peut illustrer les définitions par un exemple?

Au fait l'abstraction désigne à la fois une opération qui consiste à isoler par la pensée une ou plusieurs qualités d'un objet concret pour en former une représentation intellectuelle, et le produit de cette opération.

Par exemple on prend les Alpes (objet étudié) et on isole son relief sommital généralement pointu et pentu (une qualité). On se le représente pour penser aux Alpes qui est caractéristique - dirons-nous ici - des chaînes de montagnes de type hercynien. Ainsi on dessinera généralement les Alpes avec des sommets pointus.

C'est pertinent comme exemple?

Oui, exact.

La question de l'abstraction est assez vieille. En fait, c'est la grande question "d'où vient ce que l'on sait ?". Les philosophes antiques se la posaient déjà.

Trois possibilités.

- Le concept précède la chose, c'est le platonisme (de Platon). Par exemple : on a une sphère, c'est une chose. Le cercle, c'est un concept. Cette solution implique que c'est parce que j'ai déjà le concept de cercle en tête que je peux faire ou dessiner une sphère. Platon propose d'aller du monde réel (notre sphère), pour remonter au monde des idées (le cercle), vers les concepts.

- Le concept est dans la chose, c'est ce que pense Aristote. Là, c'est la sphère qui réalise, rend effectif, donne corps au cercle. Tu ne découvres pas le concept de cercle, mais tu reconnais qu'il est présent, en soi, dans la sphère.

- Le concept vient après la chose. Je vois la sphère, donc je pense au cercle. Observer beaucoup, c'est multiplier les expériences, donc pouvoir rapprocher les concepts, donc les améliorer, les transformer, etc. C'est ce qu'on appel en philosophie l'empirisme classique, ou l'approche conceptualiste. On travaille beaucoup sur ça en science sociale. Par exemple, l'apport de l'analogie est fondamental. Ratzel n'en a-t-il pas usé, lorsqu'il comparaît les processus géographiques à des processus biologiques ? Certes, ceci peut conduire à des dérives, spécifiquement dans cet exemple, au déterminisme. Pourtant, c'est toujours intéressant. C'est dans l'erreur qu'on apprend. Bref, la connaissance est un arbre. Plus on apprend de chose, plus les connexions peuvent se faire entre nos savoirs, nos concepts, nos idées, qui ainsi s'entremêlent et participent à leur complexification et leur approfondissement.

Ok donc déjà l'abstraction c'est bon. On commence à avancer dans la conceptualisation.
Donc aujourd'hui les géographes travaillent généralement grâce à la méthode hypothético-déductif : hypothèse (idée) --> tentative de généralisation, affirmation d'une loi générale, prospective
-->conceptualisation --> mise en perspective de cette hypothèse sur le terrain --> Adaptation de la Conceptualisation à la réalité du terrain. (si c'est bien ça)
Ex :
hypothèse --> Il existe plusieurs aménagements touristiques des littoraux : un pour le tourisme de masse, un autre pour le tourisme sélectif.
conceptualisation (sur les littoraux) --> Tourisme de masse (large capacité d'accueil, prix des activités, présence de campings) - Tourisme sélectif (petite capacité d'accueil, prix des activités, présence de palais).
vérification sur le terrain --> C'est plus ou moins adaptable sur la côte méditerranéenne mais bizarrement les lieux destinés au tourisme de masse existent clairement et ceux destinés aux tourisme sélectif présente plusieurs schémas : certains lieux attirent que des populations présélectionnées, d'autres lieux attirent différentes classes moyennes, on aime se montrer sur une terrasse de Saint-Tropez par exemple, on peut louer une limousine etc.
Reconceptualisation finale -->
Premier concept : tourisme de masse
Deuxième concept : tourisme sélectif
Troisième concept : tourisme pseudo sélectif

C'est des concepts ? Le tourisme est un concept en soi ?

Donc le concept n'a rien a voir avec un axiome :

L'axiome est une idée qui va tellement de soi qu'on l'admet sans pour autant avoir la possibilité d'en apporter les preuves. Le concept est l'abstraction d'une qualité d'un objet et sa généralisation (de cette qualité) à tout les objets similaires (un sommet pointu (qualité) représente les Alpes (objet) -> Les Alpes sont un massif hercynien -> on conceptualise l'idée que tous les massifs hercyniens ont des reliefs sommitaux pointus)
J'ai peur d'être à côté de la plaque...

Pour ma part, on m'a appris que le concept est quelque chose de plus complexe que la notion.

Par exemple, le territoire est un concept, la représentation est un concept, ils portent à débat et font l'objet de toute une branche de la géo.

La notion, elle, est utilisée pour travailler, mais n'est pas porteuse de toute une branche. La notion d'échelle, par exemple. On l'utilise tous, mais il n'y a pas vraiment d'écoles des échelles (ou s'il y en a c'est plus en histoire sur les échelles temporelles).

L'un est un sujet, l'autre un outil.
Bien sûr la limite n'est sûrement pas aussi nette, mais ça me semble être un bon départ, qui accrédite ce que vous dites sur l'abstraction.


Pour les Alpes, je ne suis pas sûre que ton exemple donne vraiment un concept, plutôt une objectivation, une définition de la montagne. la montagne est un concept, le relief sommital pointu une objectivation.
Je vais utiliser pour argumenter la grille de lecture de B. Debarbieux. (un peu complexe au 1er abord, plutôt utile finalement):

Paradigme (façon de voir le monde) : La nature comme objectivable en grands ensembles. (paradigme géologique ou topographique)
Problématisation : la montagne comme ensemble géologique et forme topographique
Objectivation : la forme pointue comme définition de la montagne, permettant de la reconnaitre et de former les ensembles.

Le concept, comme abstraction, se trouverait pour moi plus dans le paradigme, la façon d'analyser le monde ou la géographie, que dans l'adoption de critères de définition, d'objectivation.

ok! Intéressant. Le concept est une notion ?

Je crois que la notion a un caractère plus intuitif, global, vague, plus a priori, alors que les concepts sont plutôt a posteriori.

je parlais du mot "concept"

Heu, probablement ^^ Une sur-notion, alors, peut-être...

^^On va jamais s'en sortir mais c'est intéressant de bien connaître tout ça!

Pour une fois que Bavoux me semble clair, je m'en tiendrais à sa définition !

Au vu de tout ce que j'ai lu, et surtout des deux définitions, voici ce que je peux dégager :

Le concept est une idée, une abstraction.
Il est le résultat d'une démarche de généralisation :
       - La démarche inductive, classique, part de l'observation des cas particuliers pour découvrir des concepts généraux permettant de relier entre eux ces cas particuliers ;
       - La démarche hypothético-déductive, part de la définition d'un concept général (parfois modélisé) pour la valider et la vérifier à partir de l'observation de cas particuliers. Au besoin, elle permet de modifier le concept afin qu'il corresponde au mieux à la réalité.
       - La démarche scolaire actuelle d'étude de cas part de l'analyse d'un cas particulier duquel il faut dégager un concept général que l'on vérifie ensuite par l'observation de plusieurs cas particuliers.

Le concept est donc une construction, mentale qui permet de classer des objets (cas particuliers) et surtout de les comparer. La généralisation passe donc par la conceptualisation qui est la recherche de critères cohérents permettant d'étudier ensemble (de saisir ensemble (con-capere)) plusieurs objets plus ou moins semblables et de les comparer.

Attention : une idée ne devient un concept qu'à partir du moment où elle est validée par plusieurs et donc qu'elle fait l'objet d'un consensus. 
Le concept est donc construit, évolutif.

Ex : La Montagne est un concept permettant d'étudier ensemble et de rapprocher des objets différents mais relativement semblables : les Alpes, les Pyrénées, l'Himalaya, les Andes ou encore les Rocheuses, ... Ces objets sont plus concrets, donc différenciés les uns des autres, ont des caractéristiques et des dynamiques différentes, mais ils sont plus facilement cartographiables que le concept de Montagne qui permet de réunir leurs points commun afin de pouvoir ensuite mieux les comparer.


Par contre la notion reste encore très floue pour moi. On va dire que la notion n'est pas encore un concept très clair pour moi ;-)
Quelqu'un pourrait-il me donner un exemple de notion qui ne soit pas un concept et m'expliquer pourquoi?

Oui, avez-vous des exemples de notions ?