Une équipe internationale d'experts s'est engagée dans la plus ambitieuse entreprise jamais tentée dans le domaine des technologies de l'exploration des profondeurs de la Terre. A partir du fond marin, ils perforeront la croûte terrestre et chercheront à atteindre le manteau, qui constitue 80% du volume de la Terre. Ces experts souhaitent ainsi connaître l'origine et le futur de notre planète, comprendre la genèse des séismes et pouvoir les prédire.
C'est le bateau de forage japonais
Chikyû [la Terre] qui aura pour mission de collecter des données sismologiques, volcaniques, géologiques, environnementales et climatologiques dans la fosse de Nankai, située à 600 kilomètres au sud-ouest de Tokyo, dans l'océan Pacifique.
Sous les continents, la croûte terrestre, constituée de roches solides, mesure 72 kilomètres d'épaisseur, tandis que sous les océans, elle n'atteint pas les 8 kilomètres. Dans la fosse de Nankai, où se rencontrent deux plaques tectoniques, elle est encore plus mince, avec seulement 7 kilomètres d'épaisseur.
Quatre-vingt-dix pour cent des séismes qui frappent le Japon trouvent leur origine dans cette partie du monde. Maria José Jurado, du département de géophysique et de géorisques de l'institut des sciences de la Terre Jaume Almera (CSIC), situé à Barcelone, est la seule espagnole à participer à la première expédition du
Chikyû, qui regroupe 18 scientifiques.
"Mon groupe de travail est chargé des analyses géologiques des prélèvements réalisés lors du forage, explique la scientifique.
D'autres équipes ont pour mission de caractériser les structures de déformation observables - porosité, pression des fluides - et de mettre cette information en lien avec les profils de sismique réflexion." Le navire a quitté le port de Shingu, au Japon, le 21 septembre 2007, dans le cadre du projet expérimental NanTroSEIZE (The Nankai Trough Seismogenic Zone Experiment), mis en oeuvre par le Programme international de forages océaniques. Le Japon, les Etats-Unis, la Chine, la Corée du Sud et les pays membres du Consortium européen de forage océanique et scientifique (ECORD) participent à ce programme.
"C'est en 1990 que cette idée m'est venue. Je songeais alors que si la Russie et les Etats-Unis menaient des recherches dans l'espace, le Japon pouvait très bien devenir le chef de file dans le domaine de l'exploration de l'espace 'interne'- en d'autres termes, des profondeurs de la mer", explique Asahiko Taira, directeur du Centre japonais pour l'exploration des profondeurs terrestres et responsable de la mission
Chikyû. Le
Chikyû a une lourde tâche devant lui. La première phase du projet (jusqu'en février 2008) prévoit des forages de 1,5 kilomètre de profondeur, à six endroits différents. En 2008-2009, au cours de la deuxième étape, on vise la réalisation de forages du fond marin d'une profondeur de 3 à 3,5 kilomètres. Il s'agirait d'un record mondial: le forage le plus profond réalisé jusqu'à présent était de 2,1 kilomètres. L'objectif de la troisième phase du projet (2009-2010) est de creuser jusqu'à 5,5 ou 6 kilomètres afin d'installer un système de contrôle temporaire dans la faille sismique. Ce dernier restera dans la faille pendant un ou deux ans dans le but de permettre l'installation de capteurs du système de contrôle définitif, qui sera mis en place au cours de la quatrième étape (2010-2011).
Gloria Torrijos, El Pais, Madrid